A Cologne, depuis juin, chaque troisième dimanche du mois se tient un grand marché au poisson. Il est installé sur les bords du Rhin, sur une sorte de grande place appelée Tanzbrunnen à cause de sa fontaine centrale et de sa piste de danse. Généralement, ici, on peut assister à des concerts ou des projections de films en plein air. Mais revenons à nos poissons… Je m'étais dit que ce marché serait certainement l'occasion d’écrire un article sur mon blog. Avec Francis, ça faisait 1 mois qu’on attendait ça. On l’avait soigneusement noté avec notre petit crayon sur le calendrier et on avait (poliment) demandé à beau-papa et belle-maman de venir plutôt la semaine suivante pour être sûrs de pouvoir profiter de cette journée entièrement comme on l’entendait (quels enfants ingrats…). Il faut dire qu’en juin, on l'avait manqué car on n’était pas encore au courant de l’événement, qu’en juillet, on n’était pas là et que notre dernière tentative en août avait été annulée par la venue de notre ami Benoît. Non pas qu’il n’aime pas le poisson (il en mange tous les vendredis), mais quelques milliers de ses invités avaient établi leurs quartiers à deux pas de la Tanzbrunnen, ce qui encombrait les accès aux bord du Rhin et avait conduit à annuler le marché au poisson, sans nous prévenir (on l’avait découvert en arrivant devant les grilles fermées après une petite balade vivifiante depuis la maison).
Mais cette fois-ci, pas question de louper ce marché, ça promettait d’être riche en expériences culinaires : sur l’affiche, une belle tête de poisson frais (un rouget peut-être ? aidez-moi !) et écrit en caractères gras (comme le poisson) " Einkaufen, schlemmen, geniessen ". Comprenez : " Faire des emplettes, faire ripaille, savourer ". Quel programme ! Vous vous doutez de l'état d’excitation dans lequel je me trouvais…
Et Plouf, en quelques secondes, tout est tombé à l’eau… Quelle déception. A notre arrivée, je reniflais profondément l’air ambiant à la quête de la moindre effluve de poisson, j'ouvrais l'oreille pour saisir l’écho de la vente à la criée… Rien. En rentrant dans la première allée, je commence à voir une montagne de paniers par terre… Bizarre, ce doit être pour les gens qui ont oublié le leur à la maison. Mais on a eu vite fait de se rendre à l’évidence : sur le marché au poisson, y a pas de poisson ! Pas l’ombre d’un bar, d’une truite ou d’une dorade. Le thon et la perche, absents aussi.
Au mieux quelques crevettes, quelques huîtres, du poisson pané (désolée, sous sa chapelure, je l’ai pas reconnu) et quelques poissons fumés. Du poisson frais ?! n’y pensez même pas. C'est à se demander pourquoi ils appellent ça marché au poisson ? C’est sûrement le nom que portait ce marché dans le temps, et ils ont oublié de le changer au fil des évolutions. Aujourd’hui, moi j’appelle ça une braderie. Vous devez vous demander ce qu’il pouvait bien y avoir sur ce fameux « marché » s’il n’y avait pas de poisson. Et bien, de tout, sauf du poisson : des peluches kitsch (et y a des gens qu’achètent ça ?!), de la lavande de France (ça nous fait une belle jambe, et pi j’m’en fous, j’en ai déjà à la maison), des crèmes pour se pomponner (moi ??? j’ai pas besoin de ça ! ), des voitures (quelle idée de venir acheter sa voiture au marché), des saucisses (et après, essaie de convaincre les gens qu’ils ne mangent pas que des saucisses ici…), de la bière (bah voyons, encore un stéréotype ???). Le plus surprenant, c’était les stands de vente de tout et n’importe quoi, mais bradé. Le principe : un gros camion rempli d'un produit quelconque, un vendeur qui a la tchatche avec un micro, un tas de paniers devant le camion, un attroupement aussi devant le camion et les gens qui prennent un panier, qui se dirigent vers le gentil vendeur qui flatte la foule et lui demandent de remplir leur petit panier de ses "jolis" produits.
Evidemment, ils repartent tous convaincus d'avoir fait des affaires. Vous appliquez le même principe avec des plantes dopées aux engrais, des fromages industriels (et le vendeur d’assurer qu’ils étaient bons puisqu’ils étaient français. Bah voyons !), des fruits pas mûrs et des paquets de pâtes, et vous obtenez.... un marché au poisson !
Bon, un instant, je me suis dit que c’était pas si grave s’ils achetaient 7 kilos de fruits pour 10 euros. Ce sont des fruits après tout, c’est bon pour eux. (La qualité et le mode de culture ??? un autre débat, mais y aurait aussi de quoi se foutre en rogne.) Mais après j’ai réfléchi, comme ils allaient de toute façon s’enfiler 2 bradwurst avant de rentrer à la maison, ils auraient plus faim pour les fruits qui allaient tout simplement pourrir dans le joli panier et dans 10 jours ils iraient tous tout droit à la poubelle… Je sais, je suis mauvaise langue, mais fallait pas m’énerver.
Et puis j’oubliais le pompon : l’orchestre allemand typique présent dès le moindre événement en Allemagne (ah non, c’est juste à Cologne ? bon, on déménage demain !) qui vous transperce les tympans à coups de musiques ringardes que tout le monde connaît sauf nous, mais on s’en porte pas plus mal (même plutôt mieux).
Bilan de la journée : très très mitigé. Heureusement, le tout a été égayé par un petit verre de Federweiβer auquel on a goûté sur les bons conseils de ma copine Ulrike. Pour accompagner notre Federweiβer, on a pris une part de Zwiebelkuchen, gâteau aux oignons, tout aussi typique (bon, j’avoue, y a pas que les saucisses) et une tartine de saumon fumé écossais avec une rondelle d’œuf un peu louche quand même. On était venus manger du poisson après tout, alors on en a mangé !
Revenons à notre Federweiβer puisqu'il a sauvé notre journée. C’est un jus de raisin à peine fermenté produit dans les différentes régions viticoles d’Allemagne. Celui qu’on a bu venait de Rhénanie-Palatinat, région au sud de la Rhénanie du Nord – Westphalie (là où on habite !). On peut le déguster à partir de la mi-septembre pendant quelques semaines seulement, après, il faut attendre un an. Il est légèrement pétillant, de couleur jaune pâle un peu trouble et on sent à peine l’alcool ce qui explique pourquoi j’ai descendu mon verre sans me faire prier. (Mais quelque chose me dit que dans ces circonstances, j’aurais aussi bien avalé un verre de vodka…)
Quand je serai remise de cette mésaventure, je vous donnerai quand même la recette du Zwiebelkuchen, spécialité allemande qui vaut quand même le coup d’être goûtée, et c’est pas la seule ! (je commence déjà à me remettre, je le sens !) Pour l’heure, une chose est sûre : désormais, je me méfierai des belles affiches et des noms de marchés prometteurs…
Notre sauveur...